Sous la botte de Pékin Spécial
«Quand nous parlons à nos proches au téléphone, il faut éviter certains mots: dalaï-lama, démocratie, droits de l’homme, Covid… Avoir des discussions profondes dans ces conditions est difficile. Alors on reste en surface. Avec le temps, une distance se crée et petit à petit on ne se parle plus»: prononcés par une réfugiée tibétaine en Suisse, ces mots témoignent des conséquences dramatiques de la répression des minorités en Chine.
Car être minoritaire, en Chine, c’est être dissident. Les Tibétains nous le rappellent depuis longtemps, sans perdre courage. Leurs appels au secours sont pourtant moins audibles depuis que l’attention internationale et médiatique est tournée vers les dix millions d’Ouïghours du Xinjiang, région voisine du Tibet. L’oppresseur est pourtant le même. Les territoires mongol, kazakh et tibétain passés sous le rouleau compresseur démographique et politique du régime communiste chinois ont servi de terrain d’essai à de nombreuses techniques de répression de masse utilisées aujourd’hui au Xinjiang.
Le Tibet, terrain d’essai des techniques de répression utilisées au Xinjiang.
Torture, disparitions, travaux forcés, arrestations arbitraires, fouilles à domicile pour détruire les photos du dalaï-lama… Depuis l’arrivée de Xi Jinping à la tête du Parti communiste chinois (PCC), en 2013, Pékin a redoublé d’efforts pour gommer toute différence ethnique et culturelle. En Chine, la censure et le contrôle atteignent des sommets depuis la pandémie: le code QR sur chaque téléphone permet de confiner des millions de citoyens qui se retrouvent, d’un seul clic, privés d’accès à l’autoroute et à d’autres services de base. A Hong Kong, le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, figure de proue du mouvement de contestation démocratique de 2019-2020, attend d’être jugé. Quant à l’île indépendante de Taïwan, elle se sait menacée de «réunification» et de «rééducation».
En 2018, Xi Jinping avait inscrit dans la Constitution la possibilité d’être élu à vie. Lors du 20e Congrès du PCC, qui commence le 16 octobre, il devrait devenir le premier secrétaire général élu trois fois de suite à la tête du pays. A la tête d’une Chine plus étouffante et inquiétante que jamais. Mais à laquelle les Tibétains et les autres minorités continueront de résister avec, espérons-le, plus de soutien.
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